Pierre Godeau signe l’adaptation attendue du roman graphique de Sempé, avec Benoît Poelvoorde en héros très discret.
Benoît Poelvoorde traîne lentement sa silhouette dégingandée, accentuée par une salopette de mécano mal ajustée. L’oeil las, le menton rentré dans le cou, le débit hésitant, il compose un héros mi-lunaire, mi-tragique, miné par un mensonge sur lequel sa vie s’est construite : ni son père facteur qui attendait de lui qu’il lui succède), ni son épouse et mère de ses enfants ne se sont jamais doutés de son problème d’équilibre l’empêchant de faire du vélo. L’arrivée au village d’un photographe (Édouard Baer, toujours aussi irrésisitible) venu tirer le portrait de quelques gloires locales, dont Raoul, fera-t-elle jaillir la vérité ? Avec cette adaptation respectueuse du style minimaliste de Sempé (malgré quelques aménagements ici et là), Pierre Godeau offre à Benoît Poelvoorde une partition sur mesure. L’acteur, qui dans sa jeunesse, caressait l'idée de devenir dessinateur, est un grand fan devant l’éternel du créateur du Petit Nicolas. « Avec Édouard, on se disait qu’on faisait de la pantomime, déclare l’acteur belge. Il fallait être fidèle à la poésie de Sempé. C’était un bel exercice. » De son côté, Pierre Godeau a tenté de retranscrire par l’image l’inimitable esprit des dessins de Sempé, où l’humour très subtil voisine avec un sens de l’observation affuté. Outre les personnages principaux incarnés par Poelvoorde, Baer et la délicate Suzanne Clément (l’actrice québécoise joue la femme de Taburin), Godeau croque des personnages secondaires pittoresques : le père renfrogné de Raoul qui machouille nerveusement sa pipe (formidable Grégory Gadebois) ou le champion local de vélo toujours droit et prêt à enfourcher sa machine (le désopilant Vincent Desagnat). Ajoutez des touches de poésie remarquablement distillés et vous obtenez le feelgood movie du mois. Rien que ça.
3 bonnes raisons d’y aller :
1. Pour l’hommage à Sempé
Pierre Godeau réalise un bel hommage à l’illustre dessinateur avec cette adaptation follement poétique. On y retrouve les personnages attachants, une fantaisie et un humour incomparables, qui ont fait la légende de Sempé.
2. Pour la nostalgie
« Douce France, cher pays de mon enfance… » Le film nous plonge dans une France rêvée, champêtre et intemporelle. C’est pour ne pas perturber cette harmonie villageoise que Raoul Taburin dissimule son secret d’enfance, qui ne cesse de s’alourdir avec le temps.
3. Pour la célébration de l’amitié
De son partenaire Édouard Baer, Benoît Poelvoorde confie : « Quand je le regarde, parfois, je me vois. On a rarement tourné ensemble, mais on est amis depuis longtemps. » Une complicité à la ville qui crève l’écran et forge un tandem fraternel fort réussi.