Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, le nouveau long métrage d’Arnaud Desplechin est une incursion réussie dans le polar.
Le polar à la française : un genre en soi, qui de Jean-Pierre Melville à Olivier Marchal en passant par Alain Corneau, a défini une mythologie à laquelle se frotte aujourd’hui Arnaud Desplechin. Une ville (Roubaix), un commissariat (central) et un chef de la police aussi charismatique que ténébreux (Roschdy Zem). Les appels et les faits divers s’enchaînent comme une complainte indolore à force d’être répétée. Et puis, il y a le corps d’une vieille femme retrouvé sur son lit dans un quartier désolé de la ville. Les deux jeunes voisines (Léa Seydoux et Sara Forestier) n’ont rien vu et entendu. Ou presque. Les récits sont contradictoires. Le commissaire habitué aux mensonges reconnaît la dissonance de ces accords. Il va « cuisiner » l’une et l’autre pour rétablir la vérité. Arnaud Desplechin s’est directement inspiré du documentaire Roubaix, commissariat central (Mosco Boucault), afin de saisir au plus près les tourments intérieurs d’une des villes les plus pauvres de France. Une ville qu’il connaît bien pour en être lui-même originaire et qui sert régulièrement de toile de fond à ses films (Un conte de Noël, Trois Souvenirs de ma jeunesse...). Si le film assume sa noirceur et donne au spectateur l’impression de se retrouver au coeur d’un des cercles de L’Enfer de Dante, une lueur d’espoir contenu dans le titre même du film, n’est pourtant pas exclue. Derrière chaque statistique, chaque drame, il y a de l’humain. Le commissaire Daoud campé par un Roschdy Zem puissant, le sait mieux que personne. Et lorsqu’il bouscule les deux jeunes filles, ce n’est pas tant pour boucler son dossier que libérer une douleur et permettre une reconstruction possible. Vingt-sept ans après son premier long-métrage, La Sentinelle, Arnaud Desplechin mène à nouveau l’enquête au coeur de l’âme humaine.
3 bonnes raisons d'y aller :
1. Pour la direction d’acteurs
La lumière de Roubaix, c’est lui, le commissaire Daoud, qu’interprète un Roschdy Zem irradiant de douceur et de grâce. Face à lui, Léa Seydoux et Sara Forestier composent un duo ravageur d’un naturel désarmant.
2. Pour la réinvention du film noir
S’inspirant de faits réels, Desplechin mélange au réalisme brut une mise en scène à la poésie nocturne et aux accents littéraires (Crime et Châtiment), qui donnent au film une atmosphère envoûtante et singulière.
3. Pour Roubaix
Malheureusement plus connue pour son taux de chômage élevé et sa pauvreté, la ville natale du réalisateur se dévoile ici dans toute sa complexité, certes théâtre de crimes sordides mais aussi lieu de rencontres lumineuses et salvatrices.